Lenham : du polyester à la course automobile
Lenham était une petite société anglaise de restauration qui au début des années 60 s’est spécialisé dans les kits polyester pour les « spridgets ». Par passion et à des fins publicitaires, ils vont produire un exemplaire d’un petit coupé GT motorisé par le 4 cyl. 1600 Lotus TC. En 1969, Ray Calcutt va engager l’auto, non sans succès, dans diverses courses de club. Transformée en barquette par la suite, elle prendra le nom de P69. À cette époque, Roger Hurst qui s'est impliqué dans cet engagement en compétition, décide de former une structure indépendante baptisée Lenham-Hurst Racing Organisation, afin de développer et construire des voitures de course sous le nom Lenham. La P69 sera louée au français Francis Kruch qui va l’engager dans différentes épreuves françaises. En 1970, Roger Hurst va solliciter un engagement pour les 24 Heures du Mans. La P70, une P69 légèrement modifiée et qui reprend la même motorisation, est construite pour Ray Calcutt et Francois Libert. Mais l’engagement sera refusé par les organisateurs.
L’ambition de Roger Hurst avec la P71
A la fin de l’année 1970, Roger Hurst met en chantier la P71 avec l’ambition de participer aux épreuves du Championnat du Monde des Marques. Il fait l’acquisition d’un moteur V8 Repco 3 litres ex-F1. Par ailleurs, une Brabham de F3, le chassis BT28/6, va servir de donneuse pour divers éléments. Engagée aux 1000 km de Brands Hatch 1971, ils ne feront pas le déplacement par manque de préparation. Elle sera également absente aux 1000 km du Nurburgring et le projet est finalement mis en sommeil. Collaborant avec la société havraise Darnval, Roger Hurst va à nouveau déposer une demande d’engagement auprès de l’ACO pour les 24 Heures du Mans 1972. La P71 est rebaptisée Darnval LM2, avec l’espoir que le comité de sélection accorde plus de crédit à une marque française. Roger Hurst et Francois Migault, se présentent aux essais d’avril et participent même à l’épreuve des 4 Heures du Mans qui se déroule en marge des essais. Peu performante aux essais, Ils seront en course, victime de la défaillance de l’embrayage. La « Darnval/Lenham » ne sera pas présente pour l’épreuve de juin. Le Mans restera un rêve pour Roger Hurst qui va vendre P71.
La période Leboucher
C’est Roland Leboucher qui va se porter acquéreur de P71 et participer avec à des épreuves du championnat de France des Circuits lors de la saison 1973. L’arceau et l’arrière de la carrosserie vont être modifiés pour répondre à la réglementation. Au gré des engagements et des compte-rendu, la Lenham prend parfois la dénomination de Darnval ou R.L . En 1974, il réitère dans ce même championnat. Associé à Jacques Prévoteau, il sera même présent à la course des 2 heures de l’ACO qui se déroule en marge des essais préliminaires des 24 Heures du Mans 1974. Les pilotes constatent que le capot avant est dangereusement porteur. Ainsi à partir de 220 km/h dans les Hunaudières le train avant se soulève et en courbes, la légèreté du train avant entraine un violent sous virage. Pour la suite de la saison Roland Leboucher va moderniser la P71, et ainsi résoudre ces problèmes d’appui, en lui greffant une carrosserie moderne inspirée de la Porsche 917/10 Can Am. Le moteur Repco, à bout de souffle, casse en fin de saison. Roland Leboucher va mettre mets l’auto en vente en passant pendant toute l’année 1975 des petites annonces dans la revue Echappement. La mise à prix est de 30 000 FF.
Les 24 Heures du Mans 1976
C’est finalement début 1976 que José Thibault, va se porter acquéreur de la belle: « j’ai acheté cette auto au Havre. Elle était équipée du V8 Repco qui était cassé et que j’ai revendu. Je voulais absolument faire Le Mans car j’avais été frustré en 1975 de ne pas avoir été qualifié à cause du moteur poussif de la Pantera de Wicky. J’ai ramené la Lenham dans mon garage de la rue des Etats-Unis à Châteauroux. Et j’ai travaillé pour y installer un nouveau moteur. J’ai acheté le Cosworth FVC 1840cc à Philippe Mettetal. C’était le moteur qui avait été prévu pour la Tecma du Mans en 1975 ; il avait cassé aux essais mais depuis il avait été révisé. Pour respecter la nouvelle règlementation, il a fallu modifier l’auto. En effet, elle était équipée de réservoirs latéraux et la réglementation imposait une structure déformable. J’ai fait réaliser des tôles en alu bouchonnée, chez un tôlier Poids Lourds qui était à coté de mon garage. Cela protégeait ainsi les réservoirs. Il a fallu modifier le capot avant pour y intégrer les phares. Nous étions vraiment une petite équipe, avec très peu de moyens. Nous sommes allés à Magny-Cours, le 1er mai 76 afin de tester l’auto lors de la manche du championnat des 2 litres. Mais nous n’avons fait que quelques tours aux essais à cause de problèmes d’amortisseurs, car la charge à l’arrière avec le Cosworth, n’était pas la même qu’avec le Repco ! Michel Lateste est venu me voir en me disant qu’il n’avait pas de volant pour Le Mans mais qu’il disposait du soutien de Monsieur Meuble. Ca complétait le tout petit budget que j’avais obtenu de la Nouvelle République. C’était l’engagement de la débrouillardise auquel est venu s’adjoindre le jeune Alain Hubert qui faisait de la monoplace et qui avait un petit budget.
Au Mans, pendant les essais j’ai eu la visite des douanes, qui me disaient que sur les trois Lenham importées, il n’y en avait qu’une de dédouanée… heureusement Leboucher m’avait fourni les papiers, comme quoi celle-ci était en règle. C’est Michel qui a pris le départ et qui s’est arrêté au stand après le tour de lancement afin de faire plaisir à … son sponsor.”
Arborant le N°29, la Lenham va connaître des ennuis avec le levier de vitesse qui se dessoude et des vibrations dans le train avant. Après 4 heures de course, elle n’aura parcouru que 8 tours et se trouve en dernière position.
“ J’avais bon espoir de terminer la course, c’était mon objectif après avoir travaillé des nuits entières pour préparer l’auto. Mais je dois avouer que j’étais vraiment crevé, d’ailleurs lors de mon relais, ça m’est arrivé de fermer un œil dans les Hunaudières. Je crois qu’on a été relevé à 290 km/h dans les Hunaudières. Lors de l’un de ses relais, Michel a été victime de la casse d’un Flector de cardan et s’est arrêté sur le bord de la piste. Avec les outils qu’on avait scotchés dans l’habitacle, il a réussi à bloquer le différentiel avec une clé à molette et a pu rejoindre le stand. Mais nous avions peu de pièces de rechange. Un copain a pris sa voiture pour aller à Champagné chez un garagiste afin d’en trouver un. Ces Flector étaient montés sur les Saviem SG2. Après réparation, nous avons pu repartir…”
Mais la réparation a pris du temps et la Lenham sera mise hors course lors de la 14ème heure pour ne pas avoir parcouru les 70% de la distance imposée.
José Thibault va se séparer de l’auto pour se consacrer à d’autres projets. C’est un gendarme qui s’en porte acquéreur. Il fera épisodiquement des courses de cotes avant de la vendre au milieu au début des années 80.
Un collectionneur va la remiser pendant une vingtaine d’années jusqu’à ce que son propriétaire actuel la découvre, la restaure intégralement (les factures et un important dossier permeetent de la documenter) et l’engage au Mans Classic en 2014.
La Lenham des 24 heures du Mans 1976 est prête à courir. Elle est éligible au Classic Endurance Racing et au Mans Classic, où étant un modèle unique elle contribue à faire de cet événement l'un des plus beau au monde.
VENDUE
Caractéristiques techniques
Marque
Modèle
Année
No de Châssis
Châssis
Carrosserie
Moteur
Puissance
Boite de vitesse
Poids
: LENHAM
: P71 évoluée pour les 24 H du Mans de 1976
: 1976
: 43
: Tubulaire acier
: Fibre
: Ford 1,8 l BDA
: 200 ch. @ 9 200 t/mn
: Hewland FG 400
: 600 kg